L’école d’Athènes et le FDC par Benjamin Rigaud

Écrit par Benjamin Rigaud

En 1520, Raphaël fut inhumé au Panthéon de Rome, et son tombeau se trouve toujours sous la voûte du temple antique, dont l’ouverture centrale fait monter le regard vers le ciel. Ce monument, sphère parfaite symbolisant le Cosmos, nous montre que les Romains partageaient notre fascination contemporaine pour l’astronomie. Aujourd’hui les connaissances dans ce domaine avancent grâce à des agences spatiales inspirées du modèle des anciennes académies, comme la NASA aux Etats-Unis ou l’ESA en Europe. Cette dernière a réussi grâce à son satellite Planck à capturer une image hors du commun : le Fond Diffus Cosmologique (FDC). Cette photographie est un des chefs d’œuvre de notre époque, tout comme L’école d’Athènes de Raphaël en est un de la Renaissance. Ces deux créations du génie humain semblent à priori n’avoir rien en commun, mais les Arts et les Sciences sont plus proches qu’on ne le croit.

A partir de cette mystérieuse correspondance, nous vous proposons de redécouvrir cette fresque de Raphaël à travers une série de créations numériques entremêlant ce chef d’œuvre avec, les images de la Nasa et des vues du Panthéon de Rome.

Dans le quartier latin, la bibliothèque Sainte Geneviève possède une copie grandeur nature de la célèbre fresque du Vatican. Celle-ci représente l’Académie qui fut fondée à Athènes en -387, à grand renfort de procédés symboliques. A gauche, du côté de Platon, on trouve les philosophes idéalistes, tandis qu’à droite se trouvent avec Aristote, les philosophes matérialistes. Parmi ces derniers, malgré les siècles qui les séparent, on peut voir converser Zoroastre, portant un globe céleste, avec Ptolémée qui porte un globe terrestre. Cette scène symbolise la transmission des connaissances astronomiques entre les époques, de la Grèce antique à la Renaissance italienne jusqu’à aujourd’hui. Les agences spatiales comme l’ESA et la NASA sont dans la filiation directe de l’Académie des Anciens. En effet, Apollon dont la statue orne la fresque de Raphaël a donné son nom à la mission spatiale Apollo 17, durant laquelle le globe terrestre porté par Ptolémée fut photographié pour la première fois depuis l’espace. Et pour le globe céleste de Zoroastre, l’ESA a réalisé en 2012 l’image la plus impressionnante du ciel profond : le Fond Diffus Cosmologique (FDC), qui entretient un lien surprenant et inattendu avec la fresque de Raphaël.

Zoroastre portant la Terre et Ptolémée portant le Ciel par Benjamin Rigaud

Cette image qu’est le FDC fut un exploit technique extraordinaire des agences spatiales : c’est la visualisation du plus ancien rayonnement électromagnétique du cosmos, et par conséquent la plus grande photographie de l’Univers visible. En effet, étant donné que la lumière possède une vitesse, les rayonnements les plus anciens proviennent des sources les plus lointaines. L’idée d’une voûte céleste close nous parait aujourd’hui archaïque car on sait désormais que l’univers est infini et en expansion. Mais c’est justement cette expansion et le fait que la lumière possède une vitesse fixe qui fait qu’il existe en réalité une limite sphérique à l’univers observable. Le Fond Diffus Cosmologique est en quelque sorte l’image de cette surface, qui est donc la plus grande des surfaces qu’il est physiquement possible de photographier.

Apparition surprise par Benjamin Rigaud

Ainsi, le FDC correspond concrètement au « bruit de fond » du Cosmos qui date de 380 000 ans après la naissance de l’Univers, il y a donc 13,8 milliards d’année. De la même manière, la pensée grecque continue à être entendue en Occident comme un lointain écho traversant les époques. Dans la fresque en perspective, les lignes convergent vers un point de fuite à l’infini, et c’est justement ce qui se trouve dans cet infini que l’ESA nous a rendus visible. Ainsi, le Fond diffus cosmologique est l’image des plus anciennes lumières de la Nature émises après le Big Bang originel, tout comme L’école d’Athènes est l’image des plus anciennes Lumières philosophiques de notre culture, issues du Big Bang intellectuel que fut la Grèce du Ve siècle.

Sky and Earth par Benjamin Rigaud